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Labocity2

19 mars 2008

Labocity : toute la saison 2!

Labocity - saison 2, c'est fini...

Retrouve dès maintenant toute l'histoire en fichier téléchargeable ici !

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18 mars 2008

Episode 26, par Chinue et Oona - Conclusion 2nde partie - Fin

Chinue :

Dans la cabane silencieuse, Chinue frissonna, mal à l'aise. Elle se leva péniblement et sortit à pas lents, Oni sur les talons. La jeune femme regarda autour d’elle. L'atmosphère était particulière. Elle le sentait : quelque chose avait changé. Elle continua à avancer et s'enfonça dans la forêt.

Après quelques centaines de mètres, Chinue stoppa net et écarquilla les yeux. Le paysage avait brusquement changé : là où, devant elle, s’épanouissait hier encore son domaine végétal, sa forêt, son univers, une plaine infinie aux herbes balancées par la brise s'étendait à présent, tandis que les reliefs chaotiques et arborés d'Isola se dressaient toujours derrière elle. La frontière qui séparait ces deux mondes était propre et nette, comme si une lame fine, précise et implacable avait tracé un cercle parfait à partir d'un point invisible, au centre exact d'Isola.

Chinue hésita un instant, puis fit un pas en avant. Elle entra dans la zone inconnue, immense et déserte. Sur sa droite, dans le lointain, des cris d'enfant lui firent tourner la tête. En plissant les yeux, il lui sembla reconnaître la petite Rose, qui, chose étrange, évoluait dans les airs, juchée sur la croupe d’un animal ailé, et qui agitait les mains en direction de Oona, allongée dans les herbes hautes.

Elle continua dans leur direction.

---

Réveil en sursaut. Dehors, une sirène retentit. Dans la ruelle sombre, les cris d'un maquereau aviné qui tabasse une de ses putes la tirent brutalement de sa transe. Une rame de métro passe en faisant vibrer les cloisons, aussi fines que du papier à cigarette. Le papier peint défraîchi pue le moisi. Des rats grattent derrière le mur, dans le couloir aux néons clignotants de l'hôtel miteux.

Allongée sur son lit, les pupilles dilatées, la sueur qui perle sur les tempes, la bave aux lèvres, elle tremble. Son rêve s'est envolé. Son univers, son miracle, son échappatoire. Dissous, évaporés, en même temps que les effets de la drogue. Envolées, les chimères. Disparue, la vie rêvée. Encore à moitié inconsciente, les paupières mi-closes, elle regarde autour d'elle. Retour à la case départ. A cette chambre d'hôtel glauque et misérable du quartier le plus pourri de Labocity. Son linceul. Sa prison.

Sur la table de nuit, il y a un pot en porcelaine blanche et bleue. Chinue tâtonne fébrilement à l'intérieur. Plus rien.
Sortir. Se procurer une nouvelle dose. Revenir dans ce trou. Et s’évader.
Encore.


Oona :

Dimanche matin.

Un rayon de soleil vint troubler mon sommeil profond, étrangement paisible.

17h, j’avais dormi toute la journée.

Je titubais jusqu‘à la salle de bains et découvrais dans le reflet du miroir, avec résignation, mon visage blessé, recousu habillement. A partir de ce jour, je ne serais plus jamais la même. J’avais un surprenant sentiment de quiétude, comme si la perte de mon œil avait rendu mon âme sereine. 

Mon mobile bipa. C’était un message de Bartholomé. « Rendez-vous au Pole Universitaire à 18h, c’est le moment de te changer les idées ».

On s’était retrouvés un soir, par hasard, au Tokio Cobbéa Bar et depuis, on ne s’était plus quittés. Notre amitié passée avait refait surface ; aujourd’hui, il ne baignait plus dans toutes ses expériences douteuses, non, il travaillait pour le gouvernement, un genre de garde forestier m’avait-t-il dit. Il ne ferait plus de mal aux autres, il me l’avait juré.

Je sortis prestement de mon appartement, je risquais d’être en retard à notre rendez-vous. Dans la précipitation, mon sac chuta et son contenu se répandit sur le sol. Je ramassais rapidement tout ce fourbis : crayon, mouchoirs, téléphone, clés… et un tout petit livre vert sans titre. Je ne me souvenais pas avoir détenu un tel ouvrage.

Je l’ouvris.

A l’intérieur, une ligne manuscrite « A toi qui t’égare dans la forêt nocturne, surveille bien tes pas, trouve l’issue et tu renaîtras au petit matin, seule, sans tes démons ». Il y avait aussi des photos de moi, dans une forêt, accompagnée par une grande dame noire, une petite fille, un jeune homme, Mme. Ainigriv et ma confidente Beirut*. 

La forêt ? Je n’y avais jamais mis les pieds.

18 mars 2008

hotel

6 mars 2008

Episode 25, par Rose, Beirut* et Arthélie - Conclusion 1ère partie

Rose :

Rose dévala l'escalier en courant, et se rua au dehors. Au milieu du sentier, Oona, debout, semblait égarée.
Rose s'approcha d'elle et lui demanda : Il est où le vieux monsieur bizarre ?
Oona fixant toujours le vide lui répondit : Parti. Il s'est enfui dans les bois et les branches se sont refermées sur son passage.
- C'est pas grave. Viens voir Oona !

La petite fille prit la femme par la main et l'entraina dans une dernière course à travers la forêt.
Elles zigzaguèrent entre les arbres, traversèrent une foultitude de bosquets de fougères, une poignée de ruisseaux et gravirent quelques rochers. Puis la forêt s'éclaircit tout à coup. La frontière entre Isola et le reste du monde était nette, mais en rien infranchissable. D'un même pas, Oona et Rose s'avancèrent dans la plaine au milieu de laquelle Isola était apparue.

C'était une étendue immense, d'un vert jaunissant sous le soleil. Les vents imposaient aux herbes une danse éternelle.
Regarde là-bas ! , cria Rose toute excitée.
Elle pointait le doigt vers un troupeau d'animaux étranges, qui semblait glisser à la surface de l'herbe une centaine de mètres plus loin.
Oona plissa l’oeil et vit des chevaux rouges vif, dont les grandes ailes battaient l'air ambiant.
La fillette éclata de rire et sauta sur place.
C'est un rêve ! , murmura Oona.
Rose se tourna vers elle et lui glissa innocemment : Peut-être, mais c'est rigolo !

L'enfant lâcha la main de l'adulte et courut dans la plaine, vers les animaux étranges.


Beirut * :

Couchée dans l’herbe, une entaille ornait d'un collier pourpre son frêle poignet gauche. Elle ne saignait pas trop bien qu’elle savait que ses forces l’abandonnaient. La joie et la tristesse se mêlaient dans ses larmes car si elle venait de goûter présentement au mot « liberté » elle venait également d'en connaître le goût amer. Sur un petit cahier de vert et de gris, elle écrivit ces quelques lignes ;
« Je sais que je ne sais pas ce que je ne sais pas ; j'envie ceux qui sauront d'avantage, mais je sais qu'ils auront tout comme moi à mesurer, peser, déduire et se méfier des déductions produites, faire dans le faux la part du vrai et tenir compte dans le vrai de l'éternelle admission du faux. Je me suis gardée de faire de la vérité une idole, préférant lui laisser son nom plus humble d'exactitude. C'est au lecteur à se faire une opinion. »
Son sang coulait et la Vie renonça doucement à elle.
D’un exquis baiser la Mort l'embrassa lentement, Beirut* expira en éternelle sybarite. 


Arthélie :

Cela faisait maintenant plusieurs heures qu’Arthélie tenait dans ses mains le cahier relié que lui avait remis Beirut*. Elle le tenait ouvert à une page blanche et ne savait qu’en faire. Beirut* avait dit que c’était à elle d’écrire la fin de l’histoire, à elle de se sortir, de les sortir, de ce cercle infernal. Devenir maîtresse de son destin et peut-être même de celui de tant d’autres. C’était une responsabilité très lourde qu’elle avait entre les mains. Elle qui avait toujours communiqué par les mots ne savait quoi écrire. Elle songea à ce qu’elle aimerait changer dans sa vie, car à défaut de tout changer, un simple ajustement pourrait faire l’affaire. Elle envisagea de faire de cet îlot artificiel qu’est Isola une réalité, mais sans que cela ne perturbe l’ordre des choses. Comment faire ? Elle ne parvenait pas à trouver la réponse. Cet endroit était un lieu où le rêve et la réalité était inextricablement liés. Changer l’un c’était changer l’autre.

Tout cela était bien égoïste en fait, elle avait la possibilité de changer sa vie mais pas celle de ceux qu’elle aimait. Il fallait concilier les deux, mais comment ?

Il fallait qu’elle choisisse un point de départ pour tout ça. Un nexus d’où émanerait ce nouveau monde, cette nouvelle vie. Elle songeait que c’était bien trop de responsabilité pour elle, elle avait perdu toute innocence et allait par conséquent agir dans son intérêt et non pour le bien de tous. Elle pensa que si le monde était rempli de gens aussi gentil qu’Henri, son coursier, il serait bien plus vivable et supportable. Elle pensa aussi que Rose, la petite fille sans âge avait l’innocence qui lui faisait défaut. Elle songea aux arbres synthétiques qui l’entourait et voulut plus que tout commencer par les rendre vrais.

Elle ne s’en était pas rendu compte. Elle écrivait, depuis un moment déjà et elle baissa les yeux et lut ce qu’elle venait d’écrire. Un frisson la parcourut quand elle eut dans son esprit la vision qu’elle avait décrite sur le parchemin.

« La nature a salué l’éveil de cette journée en faisant de ce qui était artificiel une réalité. Isola était son nom et c’est isolée du reste du monde que désormais cette forêt existerait. Teintée de l’innocence et des rêve d’une enfant sans âge c’est dans les songes d’un coursier au cœur d’or que résiderait à présent et pour toujours ce havre de paix et de tranquillité pour tout ceux qui n’ont jusqu’à présent pas choisi d’exister. »

Arthélie releva les yeux, le ciel azuré était illuminé par le soleil. La brise agitait les branches des arbres et les brins d’herbe à ses pieds. Tout était devenu réel. Au loin elle entendit dans le grand silence qui régnait un troupeau qui parcourait une étendue qu’elle savait verdoyante. Soudain dans le ciel apparurent plusieurs créatures ailées dont l’une était chevauché par une petite fille. Arthélie se leva observa le ballet aérien un moment et s’approcha de la mare au centre de la clairière, dans l’onde bleue elle vit le visage d’Henri, assoupi sur sa chaise à la morgue.

Elle referma le carnet et le jeta au fond de l’eau avant de se diriger vers les profondeurs de la forêt, un sourire serein sur le visage. Elle n’existait plus que dans un songe et elle savait que cela était bon.

6 mars 2008

reclining_grass

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5 février 2008

Episode 24, par Beirut* - "Vers des espaces infinis"

Beirut* pleurait.

La joie et la tristesse se mêlaient dans ses larmes car si elle venait de goûter présentement au mot « liberté » elle venait également d'en connaître le goût amer. Dans le silence contemplatif, elle murmura ces quelques vers ;

« Les ailes brûlées, clouée au sol,
Et la tête vers le ciel, vers la splendeur de l'éternel ailleurs
Cherchant l'étoile qui fait tourner la rou
Loin de ce quadrillage où même l'air ne peut être libre comme l'art
Comme la pureté d'un geste, la profondeur d'une pensé illimitée
Est-ce la frontière si fine entre folie et sagesse ?
Réflexion pesante cheminement infini en quête de l'archétypique
Mais mon âme est souffrante
Mémoire passé qui voudrait voir mon espoir cassé
Où est la berge ?, Où est la perche ? Maintenant j'en ai assez !!
Je me noie… j'ai perdu ma barque quand j'ai vu que celui qui la conduisait n’était autre que mon ennemi
Mais comme quand la nuit tombe, l'océan et le ciel ne forment qu'un
Alors j'ai pu voir l'espace infini
Oh liberté, ma chère amie, ta présence est abstraite
Vu que c'est dans ma tête que j'ai appris à te connaître
Oh liberté, imbibe mon encre et ne quitte plus mes pensées
Bulle d'oxygène dans un monde limité
Où la vérité se cache en nous… »

Puis Beirut* s’arrêta un instant, hésitant de poursuivre plus en avant. Voyant qu’Arthélie l’écoutait attentivement, elle ajouta ;

- Sans cesse, nous marchons, les rues s’ouvrent, nous marchons comme des êtres vivants qui n’ont plus pour disparaître que les vêtements de tout le monde. Et cette débâcle qui les emporte. Il y a un moment où l’on ne sait plus si ce que l’on fait est réel ou bien simplement utile. On décroche. Il y a peut-être une autre façon de vivre. D’un seul coup, on se découvre affublé d’absurdités. Se lever, marcher, devenir, sourire ou pleurer n’ont plus aucun sens. Alors on tourne le dos. On s’en va… Beirut* marqua une pause. Arthélie la contempla. Elle lui apparut si belle enveloppée dans ce manteau de silence. L’herbe, le ciel, la cime des arbres éternels, la venue de la nuit, la couleur d’un regard, rien ne change. Mais on sait que tout sera différent désormais. On choisit la fuite. On est inaccessible et il y a un petit rire au fond de nous-même. Un rire que personne ne peut entendre… Personne n’est ce qu’il prétend être. Personne n’est ce qu’il est... Son regard se ferma, Arthélie comprit que c’était à elle-même que Beirut* s’adressait. De l’espoir qu’il nous reste naît la liberté. Celle de se plier à des courants insolites et de partir au loin. Vers des espaces infinis.

Les lèvres d’Arthélie s’entrouvrirent soudain, comme si elle s’était préparée à prononcer un mot. Elle resta un instant dans cette posture, les mandibules crispées, l’obscure ellipse des mâchoires immobilisée dans le silence. Elle les referma alors doucement et murmura :

- Que faire à présent… ?
- Ce n’est pas encore fini… Il reste encore un chapitre à écrire. Beirut* se tourna vers Arthélie. Viens. Je veux te montrer quelque chose.

Elles franchirent le seuil de la caverne et s’engagèrent au travers de la forêt. Au bout de quelques instants, elles parvinrent à une clairière en forme de polygone bordée par des arbres aux feuilles luisantes et des troncs châtains qui semblaient vernis. Il y avait une drôle d’odeur, imprévue. On entendait un bruit étrange : un trille artificiel, comme celui que pourrait produire la bise en agitant un lustre baroque. L’espace d’un instant, Arthélie regarda autour d’elle en tentant de vérifier la raison de ce tintement mystérieux. Elle s’approcha alors de l’un des arbres et comprit. Elle fut fascinée. Beirut* se pencha vers elle et adopta un ton sombre ;

- La forêt est en plastique, affirma-t-elle. Les arbres, les fleurs et le gazon sont factices. Le son que tu entends est celui des feuilles des arbres quand le vent les agite : elles sont élaborées dans un matériau très délicat et résonnent comme de petits morceaux de cristal. Rien n’est réel, tout n’est que simulacre.
- C’est incroyable.
- Moi, je trouve ça effrayant,
répliqua Beirut*.
- Effrayant ?
- Oui. Ces arbres, cette herbe en plastique… trop longtemps mes cauchemars me les ont montrés. Trop longtemps j’en ai songé pour enfin en percer les secrets.

Arthélie regarda ses pieds : elle trouvait très doux le tapis d’herbe épaisse et pointue. Elle passa les doigts dans l’herbe avec une extrême délicatesse. Elle était moelleuse.

- Je peux m’asseoir ? demanda-t-elle soudain.
- Bien sûr. Cette forêt est la tienne. Mets-toi à l’aise.

Elles s’assirent ensemble. L’herbe était une armée de soldats élégants en miniature. Rien dans ce lieu ne gênait le regard. Arthélie caressa le gazon et ferma les yeux : c’était comme de glisser la main sur un manteau en peau. Elle se sentit charmée. Beirut*, au contraire, semblait de plus en plus triste.

- Les oiseaux ne se posent jamais ici, tu sais ? Ils se rendent tout de suite compte que tout est un trompe-l’œil. Tout n’est qu'aberration, chimère, faux-semblant. Tout est comme nous.

Devant tant de beauté contrefaite Arthélie semblait chercher les mots appropriés. Une vibration, un frisson lui parcourut soudain l’échine. Pour la première fois, elle éprouva une certaine appréhension devant les paroles de Beirut*. Elle leva les paupières et contempla la platitude du ciel. Vide. Immense. Aucun nuage ne l’altérait. Aucun son ne résonnait. Son sentiment de malaise devint de plus en plus important.

- J’ai peur… lâcha-t-elle. Que pouvons-nous faire à présent ?
- Écrire. Écrire la plus belle page de notre existence,
affirma Beirut* calmement. Elle lui tendit un petit cahier de vert et de gris. En son centre une étiquette dorée indiquait dans une écriture curviligne « Arthélie ». Je l’ai pris dans la bibliothèque du créateur tout à l’heure. Les dernières pages sont blanches. Elles t’appartiennent. A toi d’y écrire les mots qui te paraîtront les plus justes et les plus beaux.

Elles se regardèrent, Beirut* sourit, et le silence s’installa.

Le temps passa. Au bleu méthylène du ciel succéda l’ébène de la nuit. Beirut* se leva, belle et fragile, sous l’ampleur resplendissante de la pleine lune. Puis après un regard empli d’une infinie candeur dédié à Arthélie, elle partit.

18 janvier 2008

Episode 23, par Rose - "L'espace d'un instant"

Isola était figée dans l'instant.
Les oiseaux flottaient dans l'air, les feuilles des arbres demeuraient immobiles, et aucun son ne se faisait plus entendre autour de la cabane.
Rose en sortit en baillant. Elle dévala les marches de branchages et sauta dans l'herbe. Elle émit un petit gloussement amusé en constatant que l'herbe sur laquelle elle avait posé ses pas restait couchée. Sa mémoire était marquée à vif par l'expérience mystico-végétale dont elle venait de se réveiller. Alors que ses compagnons et elle faisaient la ronde, quelques heures auparavant, elle avait respiré le drôle de parfum de ces fleurs préparées par Chinue. Après avoir éternué, un clignement de paupières avait suffi à la transporter hors de sa propre conscience.

Elle avait eu la sensation de gambader, agrippée au dos d'Oni, dans le labyrinthe de verdure d'Isola.

Elle avait observé une petite fille en tous points semblable à elle-même, racontant une histoire à Louléo, dans la froideur de sa chambre du centre hospitalier de l'avenir génétique.

Elle avait enfin su - la révélation d'un instant - qu'elle avait toujours eu cinq ans, et qu'elle resterait toujours une enfant, hors d'atteinte de l'état adulte, quoi qu'il advienne.

Le rêve, la réalité, et l'illumination s'étaient offerts à ses sens. Rose avait su à son réveil quel était son rôle dans cette histoire.

. . .

Arrivée à la grotte blanche, Rose avait décidé d'une petite pause. Elle venait de faire une belle trotte, et apercevant un ruisseau non loin de là, décida de se rafraîchir le visage. L'eau, comme l'ensemble de la forêt, était immobile. La petite se laissa tomber à genoux sur la berge, et caressa la surface du ruisseau. "Ooohaaa !" s'exclama-t-elle. L'eau, sous l'effet du temps figé, était devenue malléable. La sensation due au contact de cette matière hybride sur la peau de ses mains était merveilleuse. Ainsi l'enfant s'accorda quelques minutes pour modeler l'eau selon ses désirs.
Une lumière aveuglante émergea soudain de la grotte, et s'éteignit après quelques secondes aussi vite qu'elle était apparue.
L'attention de Rose se reporta sur son but. Elle se leva et d'un pas décidé entra dans la grotte par la lourde porte entre-baillée.
Elle passa à côté d'une scène figée : Oona par terre, blessée, semblait perdue. Le vieil homme fou, debout, tenant une pierre à bout de bras, regardait le corps d'un homme frêle, étendu au sol. Ses traits lui rappelèrent ceux de monsieur Vigo. Perplexe, la fillette songea à aller aider Oona, mais se ravisa. Ces personnages statufiés étaient hors d'atteinte, cette idée s'imposait à elle comme une évidence.
Une vieille porte de métal au fond de la pièce lui bloquait le passage. Rose fronça les sourcils, puis s'écria "Ahaa !". Elle farfouilla dans son sac à malices, et en sortit la clef qu'elle avait trouvée dans la clairière. Toute langue dehors, elle tourna la clef dans la serrure et tira la poignée de toutes ses forces. La porte grinça sans bruit, dévoilant une cage d'escalier dont la lumière pourtant intense n'arrivait pas à révéler le sommet. Rose poussa un tout petit soupir puis s'élança de marche en marche.
Cinq bonnes minutes plus tard, elle posait le pied sur le sol de l'Etage Suspendu. C'était un espace clos ouvert à tous les cieux, une pièce pleine d'un bazar invraisemblable. Des sarcophages cryogéniques en panne, recouverts de boites à chaussures et d'outils de jardinage, eux-mêmes recouverts d'une phénoménale couche de poussière.
Heureusement pour elle, la fillette savait ce qu'elle était venue y trouver.
Se frayant un passage au travers des tas de badges et de papiers cachetés du Laborat qui jonchaient le sol, Rose arriva devant une petite table blanche épargnée par la poussière. Sur cette table, de petites pièces de métal peintes attendaient leur heure sans piper mot; et pour tout dire, s'ennuyaient ferme.
Rose se mit à l'ouvrage, assemblant les pièces les unes aux autres; remplissant petit à petit le réceptacle gravé à cet effet au sein même de la table.
La dernière pièce du puzzle en main, la petite Rose prit une grande inspiration. D'un geste sûr, précis, et vif, elle posa la dernière pièce à sa place, complétant le motif... déclenchant le mécanisme.
Un bourdonnement naquit dans les interstices du puzzle. Les pièces vibrèrent et se fondirent les unes aux autres. La vibration gagna la table, la pièce, et s'amplifiant sans mesure, finit par gagner Isola toute entière.

. . .

Rose se découvrit les yeux et avança en trébuchant vers l'un des trois murs transparents de la pièce.
Bouche bée, elle contempla le nouveau paysage d'Isola.
La forêt était toujours là, réveillée, et vivante. Mais la ville avait disparu.

. . .

Ce matin-là, à Labocity, une rumeur courait. Elle disait que le quartier d'Isola s'était évanoui dans les airs.

18 janvier 2008

Puzzle

puzzle

10 janvier 2008

Episode 22, par Arthélie :"Les chaînes brisées"

Le soleil était à peine levé. Vigo semblait flotter dans une sorte de rêverie sans fin. Rose riait doucement dans son sommeil et en observant bien, Arthélie vit qu’Oni répondait elle aussi dans son sommeil artificiel aux jeux de la petite fille. Chinue et Oona n’étaient plus là. La porte de la cabane était ouverte. Depuis quand ?

Une voix au fond d’elle lui dit d’agir et elle se tourna vers Beirut*. Celle-ci se releva d’un bond et leurs regards se croisèrent. Sans un mot elles se levèrent toutes deux et sortirent de la cabane.

- Il est temps d’en finir

-Oui. Répondit simplement Beirut*

Elles prirent la route la plus sombre et s’enfoncèrent toutes deux dans les bois sauvages et presque magiques d’Isola. Etait-ce parce qu’elle avait goûté une deuxième fois à l’éveil ou alors étais-ce parce que Beirut* l’accompagnait mais Arthélie savait sans l’ombre d’un doute où elles devaient aller et ce qu’il y avait à y faire.

Sur leur chemin, les branches des arbres s’écartaient et ouvraient pour elles une voie au sein de la forêt. Les quelques créatures qui peuplaient Isola venaient se présenter sur les bords de ce chemin que la nature ouvrait pour elles. Comme cela avait été le cas quelques jours plus tôt, le soleil levant guidait leur pas. Toujours plus vers l’Est, vers le cœur de la forêt.

Le soleil avait maintenant atteint le haut des frondaisons et la route qu’elles prenaient déboucha finalement sur une clairière ou trônait un pic rocheux. De ce pic coulait une petite chute d’eau dont le son cristallin emplissait tout l’espace. Au pied de cette chute un bassin formé par l’ondée reflétait le ciel et le soleil commençait à y apparaître. Les deux femmes s’agenouillèrent devant le bassin et effleurèrent en même temps la surface des eaux. Tout se brouilla, une brise légère balaya l’espace dégagé au cœur de la forêt. Le soleil disparut alors derrière un nuage et le bassin se figea pour devenir non plus le miroir du ciel mais une fenêtre vers un ailleurs. Il était là. Celui qu’Arthélie voyait dans ses songes, celui qui la connaissait mieux qu’elle-même, celui qui forgeait sa vie.

*

Il posa sa plume et releva la tête comme si quelqu’un venait de pénétrer dans la pièce. C’était impossible, personne n’était jamais entré ici. Pas depuis que lui-même en avait scellé les portes depuis des temps immémoriaux. Il sentit une présence, deux pour être précis. Il plongea son regard sur ce qu’il venait de coucher sur le parchemin et frémit.

Depuis tout ce temps il avait perdu l’habitude de lire ce qu’il écrivait, il se contentait de remplir page après page les grands volumes qui s’entassaient partout dans cette caverne aux dimensions de cathédrale. Devant lui ces mots

« Beirut* et Arthélie sont agenouillées devant le bassin et regardent à l’intérieur. Leurs mains touchent la surface… »

Ce n’était pas possible. Il n’y croyait pas personne ne pouvait venir ici, surtout pas eux. C’était impossible, il se leva et comme un dément se mit à arpenter les allées de la cathédrale souterraine. En revenant auprès de son pupitre après en avoir fait le tour il fut comme frappé par la foudre ; Elles étaient là.

-Bonjour père dirent Arthélie et Beirut* de concert

L’homme, estomaqué par leur présence ne dit rien et continua d’avancer comme un papillon attiré par une flamme. Il savait que s’il entrait en contact avec elles il mourrait. Mais la curiosité était plus forte que tout. Comment avaient-elles pu réussir à s’échapper de la trame de son récit ? Comment avaient-elles fait pour venir jusqu’à lui ?

Il s’arrêta à quelques pas des deux femmes et il les dévisagea. Arthélie tenait dans ses mains le volume dans lequel il écrivait avant leur interruption. Un frisson lui glaça l’échine. C’était la fin, sa fin.

-Vous écrivez de belles choses. Mais vous avez fait de moi ce que je ne suis pas. Dit Arthélie

-Oui, très belle, mais triste, trop triste parfois. Vous avez fait de ma vie un cauchemar éveillé. Ajouta Beirut*

-Il est temps d’en finir, nous ne voulons plus être vos marionnettes, nous ne voulons plus être l’objet de votre bon vouloir, vos créations… Nous voulons être libres ! S’écria Arthélie

Beirut* pris alors la plume qui reposait sur le pupitre et s’avança vers Arthélie qui tenait le volume entre ses mains. Se tournant l’une vers l’autre elles échangèrent un regard et Beirut* commença à écrire. Sa main leste et agile courait sur le papier et au fur et à mesure que les mots étaient couchés sur le vélin, le père des songes ne put que se résigner et accepter de subir le juste retour de ce qu’il avait créé. Sans même entendre ni lire ce que Beirut* était en train d’écrire il sut…

La main de Beirut* coucha ces mots…

« Deux des six, celles parmi toutes qui appartiennent le moins à la volonté du créateur, sont entrées dans son repaire de songes et de brumes. Elles deux, éveillées parmi les éveillés ont pris des mains du père le livre de leur vie et écrivent un nouveau chapitre, le dernier.

En ce jour le père n’aura plus le pouvoir de les tourmenter. En ce jour elles le bannissent de ce monde et de tous les autres. Elles le condamnent à sortir de la trame des univers et à y rester pour l’éternité. Aujourd’hui ce sont les enfants qui prennent les rennes du monde qu’il a créé. Les six deviendront dieux parmi leurs semblables et nul ne pourra plus jamais leur imposer sa volonté.

Ceci est la fin. »

Le père s’évanouit alors dans un nuage de fumée. Beirut* et Arthélie le regardèrent disparaître. Autour d’elles la cathédrale devint plus lumineuse que le point du jour et les six vitraux invisibles brillèrent de milles feux. Chacun représentant l’un des six. Arthélie referma le volume et alla le placer sur l’une des innombrables étagères. Elle alla ensuite se placer en dessous du vitrail la représentant et elle sourit. Elle chercha Beirut* du regard. Elle était aussi devant sa propre image mais elle ne souriait pas seulement. Beirut* pleurait d’être enfin libre.

*

Loin de là, dans un autre espace, dans un autre temps. Dans la cabane au milieu des bois Rose s’éveilla elle aussi. Assise sur sa couche elle sentait que quelque chose avait changé. Elle se leva, sortit de la cabane et sut exactement ce qu’elle devait faire…

7 janvier 2008

Episode 21, par Vigo - "La clef du songe"

Vigo n’était plus. Du moins physiquement. La vapeur pourpre aux exhalaisons d’Ylang l’avait entouré comme d’une couverture chaude et bienfaisante. Ses muscles ne répondirent plus, et il se sentit flotter.

Ce n’était pas du tout inquiétant, bien au contraire.

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« Vigo je t’en prie, fuis ! »
Dans un léger larsen, une voix masculine poussait Vigo à s’échapper.
« Ne pense pas, agis, il est encore temps ! »
Et docile, Vigo s’exécuta, ne regrettant en rien ce corps ni viril ni féminin qu’il méprisait tant.

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Détaché de son enveloppe corporelle, l’androgyne, mu par un désir de liberté si fort, s’envola par delà les cimes d’Isola.  Fasciné par ce pouvoir, enivré par ce nouveau plaisir, Vigo se laissa aller et revint en ville, curieux de pouvoir espionner à sa guise La ville et ses petits protégés.

Il y vit Rose, dans sa chambre, chantonnant des comptines à son doudou, entendit la voix de cette étrange diva tatouée, comme au soir de ses coups de déprimes, près du zinc… il guette également la préposée de la morgue, berçant  un enfant sans vie.

Mais surtout, en s’enfonçant de nouveau dans ce mystère végétal qui l’avait happé l’avant-veille,  il s’aperçut, lui.

Il était aux commandes d’une sorte de bunker futuriste, qui s’illuminait de dizaines d’écrans de surveillance. Son jumeau en blouse blanche se leva préoccupé, et sorti au dehors. Dans ce songe malsain et pourtant si réel, Vigo entr’aperçu  son prénom sur l’uniforme immaculé, et tout lui revint…. Bartholomé…

La Chute. Raide et sévère.  Vigo le sent, jamais il n’a existé par lui-même.

Il n’est pas tout à fait lui, il est tout à fait l’autre.

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