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Labocity2
14 novembre 2007

Episode 12, par Beirut* - "Le chemin aux sentiers qui bifurquent…"

Amos lui avait donné le reste de sa journée et par là même rendu un petit service.

L’entrepôt se situait sur les quais en marge de la Zone Embryonnaire Destinée Aux Tests. Dans le lointains se dressait immense le Pôle Central, Babylone de la connaissance et de l’exubérance. Amos lui avait tout arrangé. Elle devrait se rendre à l’entrepôt du « 8 inversé » où l’attendrait un commissionnaire, un certain Stanley, qui pourrait la dépanner facilement. La nuit venait de tomber sur Labocity lorsque Beirut se présenta à la porte de l’entrepôt. Une voix se fit entendre lui demandant quelque chose et elle y répondit avec justesse. La porte s’ouvrit lentement puis se referma brusquement après Beirut.
   
- Mais qu’est-ce que c’est que ça ?  Sursauta Beirut.
- Kubrick et toi… ?

Beirut n’arrivait pas à le croire. La créature parlait.
- Si tu veux, j’enlève mes vêtements, lança Kubrick. Mais je te préviens que le reste est encore plus dans ce style.

Beirut s’approcha avec précaution. Dans le visage de la créature, la brèche des lèvres s’inclina vers le bas. Un endroit du cortex cérébral de Beirut, effectua un rapide analyse de le situation et dressa une liste de conclusions provisoires : Le développement du lobe occipital du cerveau montre la prédominance de la vue sur les autres sens. Le radius et le cubitus très mobiles l'un par rapport à l'autre, permettent des mouvements sophistiqués de la main. Les pouces opposables aux autres doigts permettent la préhension. Quant aux griffes, elles ont été remplacées par des ongles plats… De toute évidence Beirut avait affaire avec un primate.

- Je ne mords pas, tu sais ? Et je ne suis pas contagieux.

Il était debout, dans une posture décontractée, une main dans la poche l’autre tenant un clope à demi consumé. Ses vêtements – un complet trois pièces noir, chemise blanche, cravate noire – semblaient irréprochable et de qualité. Les chaussures - de petites bottines noires et blanches - s’apparentaient à des souliers de claquettes plats et vernis, munis de fers sous la plante et sous le talon.

- Qu’est-ce que tu es ?
- Un Homo ReGenesis.
- ReGenesis !
- C’est çà. Son cou se tordit en arrière et ses vertèbres cervicales craquèrent.

Beirut connaissait le terme. L’Homo ReGenesis était un programme de socialisation exacerbée des espèces animales les plus proches de l’Homme. La volonté première de ce programme était de diversifier l’Humanité et permettre aux espèces développées mais stagnantes d’accéder à un stade d’évolution encore plus avancée. Les primates furent les premiers à entrer dans le processus avant l’annulation soudaine des recherches par les instances ecclésiastiques du Laborat.    

- Excuse moi, mais je croyais que le Laborat avait mis en demeure les travaux sur l’Anthrop-Eugénics, c’est du moins ce qui avait été dit, et pas…
- Et c’est du moins ce qui c’est passé. Ce que tu vois là est un travail de spécialistes. Je suis l’un des 12 spécimens confectionnés, adoptés et mis au banc par les grands penseurs du Laborat.
- Même tes yeux…

- Oui, l’iris, le tissu conjonctif et la rétine. Et le reste du corps, en incluant les orifices et les cav… eueueuh…ités, acheva-t-il et il tira la langue.
- Est-ce que tout est vrai… ?
Lança Beirut.

Kubrick adorait provoquer chez les autres cet étonnement.

- 100 % authentique… à part le timbre de la voix qui a nécessité quelques implants.

Ils se regardèrent. Beirut resplendissait sous les néons. Kubrick se sentait un peu sombre. Il ne partageait rien avec cette étrange jeune femme et souhaitait vivement mettre un terme à ce rendez-vous arrangé.

- Bon, tu es venue pour la quintessence verte… moi parce qu’Amos m’a demandé de t’aider mais j’ai une singerie en ville qui a sans doute déjà commencé… donc si cela ne te dérange pas on pourrait faire vite que ça m’arrangerait…
- Bien sûr… combien ?
- 150 la fiole.
- Voilà…
- C’est de l’Absinthe de contrebande non modifiée, la meilleure du marché…

Beirut fit tourner consciencieusement la fiole entre ses mains comme pour en réchauffer son contenue. Puis, elle la secoua précieusement. Et, soudain le trouble dévoila son alchimie. Le vert naturel se troubla en de mystiques arabesques qui s’évanouirent doucement dans une opacité la plus totale. Alors Beirut y succomba comme l’on s’abandonne aux rêves.

- Prends garde ma belle à ne pas faire de mauvais rêves avec cette chose là…

L’absinthe commençait à enivrer. Elle quitta Kubrick sans tourner la tête et rentra en direction d’Isola. A chaque pas, il lui semblait que la réalité se mélangeait. Elle n’appréhendait plus le monde sous ses pieds. Ce fut une chose soudaine. Peut-être son sixième sens, qui fit résonner l’alarme quand elle foula les premières feuilles d’Isola. Arrête-toi ! Ne pénètre pas dans la forêt ! Beirut, tu es en danger. L’espace d’un instant, elle tituba mais la sensation – si absurde – se dissipa et elle oublia ce pressentiment aussitôt passée l’orée. 
Elle n’avait jamais éprouvé autant de crainte et de joie à la fois. Elles étaient là, reconnaissables, contradictoires : une terreur démesurée et une joie extatique. Beirut se rappela avoir ressenti un sentiment semblable le jour où elle était entrée dans l’Auditorium pour son premier grand récital. Le souvenir la fit sourire tandis qu’elle suivait le chemin aux sentiers qui bifurquent. Elle songea qu’il y avait des gens qui la regardaient des deux côtés et qu’elle glissait entre des branches de feuilles dorées. Qu’elle était attendue. Au bout du chemin, se dressait une clairière dorée entourée d'arbres jaunes séculaires. Beirut s'arrêta et contempla la beauté du lieu. Elle oscillait entre la crainte et l’allégresse. Peu à peu, elle s’avança et sous l’éclaircie de la clairière Beirut entra dans l’ombre.

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Commentaires
A
Tous les personnages sont à présents entrés de plein pied dans le territoire interdit... Vont-ils errer sans se croiser, seuls et affamés parmi les arbres, ou se rejoindre enfin pour former une communauté plus ou moins consentante d'âmes perdues? Quel avenir leur réserve la forêt et ses laboratoires cachés? A QUELLE SAUCE VONT-ILS ETRE MANGES??
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